L’évidence est souvent porteuse d’angoisse ; en effet, que dire d’une chose qui crie si fort ce qu’elle est, qu’elle empêche presque d’essayer d’en parler. Alors, dire des Hautes-Alpes qu’elles sont une Nature relèverait-il d’une lapalissade ? Peut-être ! À moins que l’on trouve dans la polysémie du mot matière à exprimer bien autre chose. Car si l’on pense tout de suite, et forcément, à son environnement, le département le plus haut de France offre surtout une identité forte. C’est une Nature, un tempérament, une terre de contrastes, souvent manichéenne, où l’horizon n’a que peu de place, où la brume, parfois, mange les contours et brouille les couleurs. Un soleil qui brûle les champs, un froid qui casse la pierre, des torrents qui deviennent fleuves. Une terre de rochers, d’eau, de sommets grandiloquents et d’autres plus discrets. Une terre sur laquelle courent une faune, où s’émancipe une flore, qui appelle l’écoute et le regard, qui convie le ravissement. Une Nature dans toute sa splendeur donc, qui se voit, mais surtout, une Nature qui se comprend. Dire qu’une chose est belle, que « c’est beau !», est déjà la preuve de cette chance qu’a le locuteur de la phrase de se tenir devant une scène qui en permet l’expression. Et nul besoin de comprendre les raisons de cette beauté. Le ressenti suffit. Pourtant, derrière l’esthétisme et la puissance d’un site, se dégage aussi l’idée d’une autre composante : le caractère. Un caractère qui serait le résultat d’un ensemble de critères géographiques, historiques, géologiques, une espèce d’ADN d’un lieu, propre, incomparable, qui ne se voudrait ni en dessous ni en dessus d’un autre, mais unique. Un grand nombre de petits détails, d’éléments, de principes qui se sont agrégés pour former des grands sites, des paysages incontournables.
Est-ce à dire qu’il y aurait une nature qui se voit et une autre plus intérieure ? Peut-être ; sûrement ; et sans doute est-ce la quête de ce livre ; retrouver tout ce qui fait que cet univers est celui-ci et pas une autre. Tous les détails qui, à un moment donné, rassemblés en un décor presque réfléchi, sous la houlette du temps, acceptent le collectif pour jouer une scène géniale. Cette série d’images part à la découverte des ingrédients et non du plat, du constitutif, de ces bouts de végétal, de minéral et de liquide capables d’engendrer des merveilles. Et si le panorama a cédé beaucoup de place au détail, la grande baie vitrée à l’oculus, c’est pour donner priorité au microcosme comme explicatif du macrocosme.
L’inventaire n’est pas raison, place à l’essence.